top of page

Limite

Ce dimanche, j'ai profité d'un WE très calme, sans sorties, sans entrainement apnée spécifique, pour m'offrir une petite plongée dans les profondeurs du Némo 33. C'était la première fois que j'y allais sans la supervision des deux instructrices de mon club d'apnée (Abyss Apnea). Je me sentais un peu inquiète : je ne suis pas encore suffisamment confiante pour confier ma sécurité à des inconnus. Mais je n'étais pas seule pour autant, puisque deux autres élèves de mon école étaient au rendez-vous.

Me voilà immergée, profitant de l'eau chauffée de la piscine. Une petite dizaine de participants, trois bouées pour la partie 33 mètres. C'est un peu serré, mais difficile de faire autrement. Quoiqu'il en soit, je préfère toujours commencer en douceur avec quelques plongées à 10 mètres. Je remarque déjà une différence notable par rapport à mes débuts, où les 10 mètres, s'ils ont toujours été à ma portée, réclamaient plus d'attention de ma part. Maintenant, quand je suis au fond, j'y suis comme un petit plancton en suspension. C'est aussi l'occasion de vérifier si les oreilles passent l'épreuve de la compensation, malgré une fin de rhume persistante...


Tous les voyants sont au vert : il est temps d'aller barboter dans la piscine des grands, avec ses 33 mètres de profondeur, que je n'ai encore jamais atteint. Rien ne presse, je ne suis pas une obsédée des records. Je préfère m'attarder sur mes sensations et la gestion du stress que la profondeur peut engendrer.

Gérer une descente en descendant les pieds en avant, le long de la corde, est une bonne introduction, le temps de trouver mes marques. Un peu de tâtonnement pour trouver la bonne accroche avec les pieds, et c'est parti ! Première plongée détendue, sans forcer, je m'arrête au alentours des 15 mètres, sans trop savoir pourquoi. Je n'ai encore jamais approché mes limites physiques en apnée, et je crains parfois de les dépasser sans m'en rendre compte. Mais rien ne presse, il sera toujours temps d'explorer mes capacités sur les prochaines descentes...

Prochaine plongée, après avoir observé l'un de mes coéquipiers, je tente un départ tête vers le bas. Respiration calme en surface, sur le dos pour éviter l'utilisation du tuba que je trouve assez encombrant. Je m'apaise, jusqu'à la dernière inspiration profonde, où je tâche de prêter attention à la décomposition entre les différentes phases d'inspiration, c'est-à-dire du diaphragme vers les voies supérieures...



Je n'ai pas de soucis de compensation ou d'équilibre avec la tête vers le bas, mais je trouve que la sensation d'inconfort due à l'apnée survient plus rapidement. J'ai appris à dépasser ce sentiment et je me tire vers le fond avec la corde, en prenant soin de rétablie la pression contre mes tympans à chaque mouvement de bras, tout en restant la plus fluide possible.

Au fil des descentes, je tâche de rester à l'écoute de mon corps. J'essaye de repérer les signaux qui me permettront de définir à quel moment je dois réellement remonter, plutôt que de me laisser déborder par la peur de manquer d'air.

Fermer les yeux m'aide à me concentrer, et j'essaie d'oublier mes envies de battre mes propres records, de vouloir atteindre ce fond qui semble si facile à d'autres.


Les premières descentes se passent de façon très agréables et détendues. Pourtant, à un moment, je me laisse tenter par le challenge de la profondeur. Le profondimètre de mon coéquipier au poignet, je teste un gentil 18 mètres sans effort. Je me sais capable de plus. Je me dis qu'il faut que je me fasse confiance.


A la plongée suivante, je ferme à nouveau les yeux, je cherche la flottabilité négative. J'y vais doucement, comme d'habitude, toujours à l'écoute de mon corps. Trop doucement, peut-être. Arrive un moment où sans faire d'effort, ma main glisse le long de la corde, toujours plus bas. Je le sens, mon corps me le dit, il est temps de remonter. Je ferme la main sur la corde, arrêtant la descente. Mon corps bascule et j'ouvre les yeux. A quelques mètres, 5 ou 10 tout au plus, le fond. 33 mètres. Si près que c'est trop tentant et je me tracte un dernière fois vers lui, avant de me rendre compte qu'il est encore trop loin pour moi.


Alors, je fais demi-tour et j'entame ma remontée. Je le sais, je le sens aussi dans mon corps, j'ai dépassé une limite. Pourtant, la surface et son air se situent bien au-dessus de moi. J'écarte tout sentiment de panique et me concentre sur la corde, le mouvement de mes bras me hissant, mes palmes me propulsant toujours plus haut. Ma vision se ponctue progressivement de flash lumineux, mes lèvres picotent et ma conscience se concentre sur la seule tâche de remonter à la surface. Je tourne la tête et aperçoit mon coéquipier qui m'accompagne pendant ma remontée. Cela me rassure suffisamment pour me permettre d'atteindre mon but. Je peux enfin prendre ma première inspiration. Une. Deux. Trois profondes respirations. Je reste à l'affut de tout début de malaise. Mais le vertige me quitte rapidement. Je rassure mon partenaire d'un sourire et d'un signe que tout va bien, sous son regard un peu inquiet.


Oui, j'ai été un peu trop loin. Je le sais et cela me rend mal à l'aise. Mais en même temps, je suis contente d'avoir trouver une limite sur laquelle travailler.



bottom of page